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Le sang de tous les autres poissons du monde contient des globules rouges qui sont eux-mêmes remplis d’hémoglobine, une molécule renfermant des atomes de fer.

Le sang pauvre en oxygène est envoyé par le cœur vers les branchies, l’équivalent de nos poumons. Celles-ci baignent dans l’eau de mer et les atomes de fer capturent l’oxygène qui y est dissous. Puis le sang réoxygéné est renvoyé vers les tissus !

Illustration Artips Sciences, inspirée du livre Au cœur des mondes polaires,
par l’Institut océanographique de Monaco

À gauche : Le sang rouge (contenant de l’hémoglobine) d’un poisson d’une autre famille de l’Antarctique / À droite : Le sang incolore et opalescent du poisson des glaces, photo : G. Lecointre
 
Mais le poisson des glaces n’a aucun globule rouge, et encore moins d’hémoglobine. Son astuce ? Il tire parti d’une propriété de l’eau : plus elle est froide, plus elle contient d’oxygène.
Mais surtout, il parvient à faire passer celui-ci directement dans le liquide sanguin – le plasma – sans utiliser de globules !

 

Le plasma pouvant contenir beaucoup moins d’oxygène que le sang rouge riche en hémoglobine, il faut en pomper beaucoup plus. Le poisson des glaces a donc un cœur quatre fois plus gros et des vaisseaux sanguins trois fois plus larges qu’un poisson standard.

Il a aussi beaucoup plus de capillaires sanguins afin  d’amener le sang aux cellules plus facilement.

Illustration Artips Sciences, inspirée du livre Au cœur des mondes polaires,
par l’Institut océanographique de Monaco.
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2020, Mer de Weddell, Antarctique. Le biologiste Autun Purser observe les baleines depuis le pont du brise-glace Polarstern lorsque la sonnerie retentit. Après un court échange téléphonique, Purser court vers l’écran vidéo de la caméra sous-marine remorquée par le navire.

Des nids. Des millions de nids. Le fond est tapissé de trous creusés dans le sable, chacun farouchement gardé par un poisson sans écailles à l’aspect fantomatique. Purser reconnaît immédiatement le poisson des glaces, aux os transparents et au sang totalement… blanc.

La mer de Weddell où Purser a découvert les nids est actuellement candidate pour devenir une Aire Marine Protégée (AMP).
Comme dans les réserves naturelles françaises, la pêche y sera tout simplement interdite. La décision doit encore emporter l’unanimité de la commission chargée de la préservation de la vie en Antarctique… mais Purser a d’ores et déjà apporté un argument crucial pour la sanctuarisation de la région !
Nids de poissons des glaces sur le fond de la mer de Weddel, Antarctique, 2020, photo : PS124, AWI OFOBS TEAM

Si la fonte de la banquise, constituée d’eau de mer, ne modifie pas le niveau de l’Océan, ce n’est pas le cas des calottes glaciaires, gigantesques réserves d’eau douce. L’amenuisement des glaciers du Groenland et du continent antarctique est en grande partie responsable de l’élévation de l’Océan, qui s’accélère : de 1.4 mm par an au début du XXe siècle, la mer monte en moyenne de plus de 3.6 mm depuis les années 1990.

Infographie : © Clara Nigen
 

Un exemple à suivre pour protéger la biodiversité de la Méditerranée

De retour sur nos côtes après 30 ans d'efforts...

Icône pour bien des plongeurs sous-marins, à la fois pour sa taille (c’est l’un des plus gros poissons osseux de la Méditerranée) et sa rareté, le mérou brun Epinephelus marginatus avait quasiment disparu après des décennies de surpêche et de braconnage. Grâce à des mesures de protection fortes, il revient en force dans les eaux de la Méditerranée française et monégasque, notamment dans les zones protégées, faisant admirer au randonneur sous-marin son comportement unique et majestueux. L’observer en plongée est un moment privilégié, magique, un souvenir que l’on garde longtemps en tête ! Le retour du mérou n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de 30 ans d’efforts, un exemple qui doit nous inspirer pour mieux protéger les espèces en danger de la Méditerranée ! Explications…

Mâle ou femelle ? Les deux ! Un peu de biologie...

Le mérou brun vit entre la surface et 50 à 200m de profondeur, aussi bien dans l’océan Atlantique (des côtes marocaines à la Bretagne) que dans toute la Méditerranée. Il est aussi présent au large du Brésil et de l’Afrique du Sud, mais les chercheurs se demandent s’il s’agit d’une population homogène ou de sous-populations distinctes. Le mystère reste aujourd’hui entier ! 

Enzo le petit mérou brun de Méditerranée relaché

Un jeune mérou brun sous son rocher. Crédit: Nicolas Robert.Un jeune mérou brun sous son rocher. Crédit: Nicolas Robert.

Il apprécie les habitats rocheux côtiers riches en anfractuosités et cavités. Les juvéniles, plus littoraux, sont parfois observés dans quelques centimètres d’eau. Sa taille varie de 80 cm à 1 m voire 1,5 m pour les plus grands individus. Le mérou change de sexe durant sa vie : « Hermaphrodite protogyne », il est d’abord femelle puis devient mâle lorsqu’il atteint 60 à 70 cm, à l’âge de 10 à 14 ans.

Régulateur et indicateur de l’état du milieu marin

Super-prédateur situé en haut de la chaîne alimentaire, le mérou chasse ses proies (céphalopodes, crustacés, poissons) à des niveaux trophiques inférieurs, jouant ainsi le rôle de régulateur et contribuant à l’équilibre de l’écosystème. Il est aussi un indicateur de la qualité du milieu. L’abondance de mérous traduit le bon état de la chaîne alimentaire qui le précède, la présence d’une nourriture riche et l’expression d’une pression de braconnage et de pêche modérée. Du fait de sa valeur commerciale très élevée, le mérou brun reste très recherché par les pêcheurs et les chasseurs sous-marins dans toute sa zone de distribution. Ses effectifs étant en fort déclin, il est classé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature dans la catégorie des espèces vulnérables.

Le saviez-vous ?

8 espèces de mérous sont présentes en Méditerranée. Parmi les 6 espèces observées à Monaco, le mérou brun Epinephelus marginatus est le plus fréquent, puis vient l’impressionnant cernier, encore appelé mérou d’épave Polyprion americanus. Le mérou canin Epinephelus caninus, la badèche Epinephelus costae, le mérou blanc Epinephelus aeneus, le mérou royal Mycteroperca rubra sont beaucoup plus discrets.

La protection du mérou, ça marche !

La raréfaction de ce poisson a conduit la France et la Principauté de Monaco à adopter, dans le cadre des conventions internationales (Berne, Barcelone), des mesures de protection fortes. Le moratoire instauré en France continentale et en Corse depuis 1993 interdit la chasse sous-marine et la pêche à l’hameçon. Les études de terrain montrent l’efficacité de ces mesures de protection : de jeunes mérous sont maintenant présents sur toutes les côtes, dans les réserves marines les populations se sont reconstituées. Mais ce retour reste très fragile. Le moratoire doit être examiné tous les 10 ans. L’avenir du mérou se jouera donc en 2023. Si la chasse devait de nouveau être autorisée, plus de 30 ans d’efforts pourraient être balayés en quelques semaines !

 

A Monaco, l’Ordonnance Souveraine de 1993, renforcée par l’ordonnance de 2011 interdit toute pêche et assure la protection du mérou brun ainsi que du corb, une autre espèce vulnérable. Grâce à cette protection spécifique, à la Réserve du Larvotto ainsi qu’à la présence d’habitats très propices et d’une nourriture foisonnante, le mérou brun abonde de nouveau dans les eaux de la Principauté de Monaco, notamment au pied du Musée océanographique.

Le saviez-vous ?

Pourquoi trouve-t-on encore des mérous bruns sur les étals des poissonniers ? Tout simplement parce que l’usage du filet, pour les capturer, reste autorisé. Des spécimens importés de zones non soumises à réglementation peuvent aussi être proposés à la vente. A nous consommateurs d’éviter d’acheter les espèces menacées !

La principauté aux petits soins pour les mérous

Depuis 1993, sous le contrôle de la Direction de l’Environnement, l’Association Monégasque pour la Protection de la Nature, assistée du Groupe d’Etude du Mérou, réalise un inventaire régulier des mérous dans les eaux monégasques, de la surface à 40 m de profondeur, auquel s’associe naturellement les plongeurs du Musée océanographique. D’année en année, les effectifs observés progressent (15 individus en 1993, 12 en 1998, 83 en 2006, 105 en 2009, 75 en 2012). Les grands spécimens de 1.40 m sont maintenant nombreux et des juvéniles de toutes tailles sont observés sur les petits fonds.

Le musée océanographique se mouille aussi...

Le Musée vient aussi à la rescousse des spécimens en difficulté que lui confient pêcheurs ou plongeurs, comme cela a été le cas fin 2018, avec plusieurs individus atteints d’une infection virale, déjà observée par le passé à plusieurs reprises en Méditerranée en Crète, Lybie, Malte, et Corse. Avec le Centre Monégasque de Soins des Espèces Marines créé en 2019 pour soigner les tortues et les autres espèces, ces intervention sont aujourd’hui facilitées. Les mérous soignés regagnent la mer être au sein des zones protégées comme la Réserve sous-marine du Larvotto. Retrouvez la vidéo du lâcher du jeune mérou « Enzo ».

Le merou, star de toujours à l'aquarium

Nombreux sont les visiteurs à découvrir cette espèce patrimoniale au Musée océanographique. Cela ne date pas d’hier, puisque l’Aquarium, alors dirigé par le Docteur Miroslav Oxner en présentait déjà en 1920 ! L’un deux, aujourd’hui conservé dans les collections du Musée, y a vécu plus de 29 ans. 4 espèces différentes (badèche, mérou brun, blanc et royal) sont aujourd’hui visibles dans la partie dédiée à la Méditerranée totalement rénovée.
Si le mérou intrigue les visiteurs, il inspire également les artistes ! De nombreux objets à son effigie, œuvres d’art ou objets manufacturés, trônent dans les collections de l’Institut océanographique !
En 2010, un mérou du Musée servit de modèle à la réalisation du billet de banque de 100 Reais émis par la Banque Centrale du Brésil, toujours en circulation aujourd’hui, et la Principauté lui a même consacré un timbre-poste en 2018 !

Un atout de l’économie bleue, du tourisme et de la pêche...

Les touristes plongeurs viennent de loin pour observer la faune sous-marine et une plongée « réussie » est souvent celle durant laquelle le mérou brun a été observé ! Plusieurs études montrent qu’un mérou vivant rapporte, durant son existence, infiniment plus d’argent que s’il est capturé pour être consommé !
Le mérou brun s’épanouit particulièrement dans les aires marines protégées (AMP) qui, gérées de manière effective, procurent d’importants bénéfices en matière de conservation de la biodiversité et de développement économique. En protégeant et en restaurant les habitats critiques (voies de migration, refuges contre les prédateurs, frayères, zones de croissance), les AMP concourent à la survie des espèces sensibles comme le mérou brun. Les adultes et les larves de différentes espèces vivant au sein d’une AMP peuvent aussi la quitter et coloniser d’autres zones, c’est le Spillover. Quand les œufs et les larves produits dans l’AMP dérivent en dehors, on parle de Dispersal. Les espèces à haute valeur marchande (mérou brun, langouste, corail rouge) parcourent ainsi des distances considérables, procurant des bénéfices écologiques et économiques dans des zones éloignées ! Les mérous bruns adultes s’écartent d’un kilomètre hors des limites de l’AMP. Les larves, quant à elles, parcourent plusieurs centaines de killomètres !

Un espace délimité en mer

Une Aire Marine Protégée (ou AMP) est un espace délimité en mer qui répond à des objectifs de protection de la nature (faune, flore, écosystèmes) et de développement durable d’activités économiques telles que la pêche durable et le tourisme responsable.

Constituées en réseaux efficacement conçus et gérés, les AMP forment des refuges pour la flore et la faune marines, restaurent les fonctions écologiques importantes (en sauvegardant les frayères et les zones de croissance des poissons) et maintiennent la production de biens et de services écosystémiques. Ce sont des investissements judicieux pour la santé des océans et le développement de l’économie bleue.

Exemple d'aire marine protégée
0
AMP dans le monde
0 km²
de surface d'AMP au niveau mondial
0 %
Pourcentage de l’océan couvert par les AMP
0 %
Pourcentage de l’océan sous haute protection (prélèvements interdits)
0 %
Pourcentage de haute mer protégé
0 %
De l’océan devrait être sous haute protection en 2020 (objectifs de la Convention sur la Diversité Biologique)
0 %
De l’océan devrait être placé sous haute protection d’ici 2030, selon les experts
0 %
De l’océan devrait être efficacement géré selon les experts d’ici 2030

 

 

* Données au 27.04.20. Source

Certaines espèces de corail font l’objet d’études pour mieux comprendre la calcification ou la propagation de maladies, d’autres sont étudiés pour leurs molécules qui protègent du soleil ou du vieillissement. Les coraux sont à la base de nombreuses recherches pour trouver les médicaments ou le soins cosmétiques de demain ou comprendre comment se forme certaines maladies.

Les récifs coralliens ont un rôle important écologique important. Souvent dans des eaux peu riches en phytoplancton, source de la chaine alimentaire marine, ils offrent de véritable oasis de vie en plein désert océanique. De plus ils assurent aussi une barrière naturelle idéale contre les cyclones, les tempêtes et l’érosion car ils absorbent la puissance des vagues.

Les récifs coralliens : une oasis de vie

Bien qu’ils couvrent à peine 0,2 % de la surface des océans, les récifs coralliens abritent 30 % de la biodiversité marine ! Pour les poissons et autres animaux marins, les coraux sont de véritables abris contre les prédateurs, mais aussi une zone de reproduction et de nurseries pour de nombreuses espèces. Ce sont les socles essentiels de la vie marine des tropiques.

Les récifs coralliens assurent grâce à la pêche, la subsistance directe à 500 millions de personnes dans le monde et les récifs protègent les côtes plus efficacement que n’importe quelle construction humaine de la houle et des tsunamis.

En savoir plus : 

Un atout majeur pour le tourisme

Atout majeur du tourisme, ils génèrent une part importante des revenus économiques des régions tropicales qui les abritent. Des bénéfices nets annuels de plusieurs millions voire milliards d’euros par an. Australie, Indonésie, Philippines, plus d’une centaine de pays bénéficient de ce « tourisme récifal ».

Perspectives médicales

Hommes et coraux ont un patrimoine génétique commun. Etudier le corail et les molécules qu’ils fabriquent, offre de nombreuses perspectives pour la santé humaine ou animal. Le génome, ensemble du matériel génétique du corail Acropora possède 48 % de correspondances avec celui d’un être humain. Alors que ce dernier ne partage que 8 % de correspondances avec la drosophile, une mouche utilisée par les laboratoires comme modèle pour les travaux génétiques ! Cela représente des perspectives incroyables pour la recherche médicale !

En savoir plus : 

La réponse est oui ! Plusieurs milliers de baleines évoluent dans les eaux méditerranéennes. Il n’est d’ailleurs par rare d’apercevoir leur souffle au loin, lors de traversées vers la Corse, par exemple. Mais attention : les activités humaines sont sources de perturbations pour ces mammifères géants. Il est donc très important de tout faire pour préserver leur tranquillité.

On recense près d’une vingtaine d’espèces de mammifères marins en Méditerranée, dont 8 sont considérées comme communes, cachalot et rorqual commun bien sûr, mais aussi dauphins (commun, bleu et blanc, de Risso, Grand Dauphin), globicéphales noirs, ziphius. D’autres espèces sont observées de manière très occasionnelle comme le petit rorqual, l’orque, la baleine à bosse et très récemment une jeune baleine grise !

Cachalot Physeter catodon

Des fanons ou des dents ?

Dans le langage courant, on a tendance à parler de « baleines » pour tous les grands cétacés. Or seuls les « cétacés à fanons » (mysticètes) sont réellement des baleines.

Le rorqual commun (jusqu’à 22 mètres et 70 tonnes) est le principal cétacé à fanons de Méditerranée.

Il y côtoie de nombreux « cétacés à dents » (odontocètes), dont le plus grand représentant est le cachalot (jusqu’à 18 mètres et 40 tonnes).

Malgré sa stature imposante, ce dernier n’est donc pas à proprement parler une baleine, et fait partie du même groupe que les orques, les dauphins ou les globicéphales.

Un géant des mers

Le rorqual commun est le deuxième plus grand mammifère au monde, juste derrière la baleine bleue !

Même si on a encore du mal à évaluer avec précision la taille de sa population (car les individus se déplacent sans cesse et plongent régulièrement), on estime qu’un millier d’individus vivent dans la zone protégée du Sanctuaire Pelagos, dont l’objet est la protection des mammifères marins en Méditerranée occidentale sur un vaste territoire comprenant les eaux françaises, italiennes et monégasques.
Le rorqual commun se nourrit principalement de krill, de petites crevettes qu’il piège dans ses fanons en grande quantité.

Rorqual commun Balaenoptera physalus

Des risques de collision

Les rorquals communs peuvent vivre jusqu’à 80 ans, si leur trajectoire ne rencontre pas celle des navires rapides fréquents en été, qu’il leur semble difficile d’éviter lorsqu’ils respirent en surface.

Comme pour les cachalots, les collisions constituent un vrai danger et un risque de mortalité avéré. D’où l’intérêt de développer des techniques en partenariat avec les compagnies maritimes pour informer les navires de la présence des cétacés en temps réel, équiper les bateaux de détecteurs et prévenir ainsi les collisions avec ces grands mammifères.
Découvrez les différentes espèces de mammifères marins du Sanctuaire Pelagos.

Rorqual commun Balaenoptera physalus

6 tortues marines sont présentes en Méditerranée

La Méditerranée totalise 46 000 km de côtes et couvre 2,5 millions de km2 soit moins d’1 % de la surface totale des océans. Bien connue comme hotspot de la biodiversité mondiale, elle accueille six des sept espèces de tortues marines.

La tortue caouanne Caretta caretta est la plus commune, suivie par la tortue verte Chelonia mydas puis la tortue luth Dermochelys coriacea, connue pour être la plus grande tortue du monde.

Plus rares, la tortue de Kemp Lepidochelys kempii et la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata n’ont été observées que quelques fois en Méditerranée à ce jour.

En 2014, une tortue échouée a été formellement identifiée en Espagne. Il s’agit de la tortue olivâtre Lepidochelys olivacea.

Une répartition géographique inégale

On trouve les tortues caouannes, vertes et luth dans l’ensemble de la Méditerranée, mais leur répartition est inégale selon l’espèce et la période de l’année.

La caouanne occupe tout le bassin mais semble plus abondante en partie ouest, de la mer d’Alboran aux îles Baléares. On la retrouve également au large de la Libye, de l’Égypte et de la Turquie.

La tortue verte se concentre plus à l’est, dans le bassin levantin. Elle apparaît aussi en mer Adriatique et plus rarement dans la partie occidentale de la Méditerranée.

La tortue luth est observée en haute mer dans tout le bassin, avec une présence plus marquée en mer Tyrrhénienne, en mer Égée et autour du détroit de Sicile.

carte Mediterranee Tortues Marines

Seulement deux espèces se reproduisent en Méditerranée !

La tortue caouanne et la tortue verte sont les seules à se reproduire en Méditerranée, essentiellement dans la partie orientale. Pour la caouanne, les sites sont localisés en Grèce, Turquie, Libye, Tunisie, Chypre et dans le sud de l’Italie.

Ces dernières années, des pontes sont observées à l’ouest du bassin, le long des côtes espagnoles, en Catalogne, mais aussi en France, en Corse ou dans le Var !

En 2006, à Saint-Tropez, le nid d’une caouanne avait malheureusement été détruit par de fortes pluies. A Fréjus en 2016, quelques nouveaux nés avaient pu rejoindre la mer grâce à une surveillance étroite par les équipes du Réseau tortues marines de Méditerranée française (RTMMF).

A l’été 2020, ce sont deux nouveaux nids à Fréjus et à Saint-Aygulf, qui font la une de l’actualité, d’autant que plusieurs dizaines de bébés tortues sont nés !

Tortues en Méditerranée

Qu'en disent les scientifiques ?

Du point de vue scientifique, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur le « pourquoi » de ces pontes.

Les femelles sont-elles plus nombreuses à faire des nids dans cette zone, la plus au nord pour la ponte des caouannes ? La pression d’observation de la part des usagers de la mer est-elle plus grande ? Est-ce une conjonction de plusieurs phénomènes ?

Difficile à dire… Il semble assez clair cependant que la société civile est de plus en plus au fait de la présence des tortues et – espérons-le – plus concernée par le devenir de ces animaux patrimoniaux et fragiles.

Si les tortues viennent pondre sur nos plages, il nous revient de leur laisser un peu espace, de créer moins de dérangement la nuit et d’adapter les éclairages de plage qui peuvent dissuader les femelles et désorienter les juvéniles.

Claire Harquet (Institut océanographique)

Les caouannes naissent parfois loin de nos côtes

Les analyses génétiques le prouvent : les caouannes observées en Méditerranée ne naissent pas toutes en Méditerranée !

A peu près la moitié d’entre elles verraient le jour dans l’océan Atlantique sur les côtes de Floride, Géorgie, Virginie ou au Cabo Verde. Elles naissent sur ces plages éloignées, puis pénètrent en Méditerranée via le détroit de Gibraltar pour se nourrir et, une fois adultes, retournent sur la plage de leur naissance en Atlantique pour y pondre à leur tour.

La situation des tortues vertes est différente. Toutes celles qui vivent en Méditerranée y sont nées. Leur population est donc génétiquement isolée, sans aucune connexion avec les autres populations de tortues vertes présentes ailleurs dans le monde.

Tortues en Méditerranée

Une présence récente en Méditerranée

Jusqu’à la fin de la dernière grande glaciation, il y a 12000 ans, les conditions climatiques trop froides régnant en Méditerranée ne permettaient pas aux tortues caouannes de s’installer ou de se nourrir, et encore moins de se reproduire.

L’incubation des œufs n’est possible que si une température de 25°C est maintenue durant un minimum de 60 jours. Ce n’est que lorsque les températures se stabilisèrent à des niveaux proches de la climatologie actuelle que les tortues caouannes de l’Atlantique, qui s’étaient maintenues dans des zones plus chaudes durant la glaciation, purent coloniser la Méditerranée.

Leur présence en Méditerranée est donc – relativement – récente.

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Combien de tortues en Méditerranée ?

Difficile de répondre à cette question ! Il n’existe aucun moyen technologique permettant de comptabiliser en instantané toutes les tortues marines présentes sur un espace maritime aussi grand, d’autant que ces grands migrateurs évoluent sans cesse d’une zone à l’autre.

Connaître l’abondance des tortues est un axe prioritaire de la recherche scientifique visant la conservation des tortues marines en Méditerranée. C’est l’une des nombreuses conclusions du récent rapport de l’IUCN qui donne par ailleurs quelques estimations : il y aurait entre 1.2 et 2.4 millions de tortues caouannes en Méditerranée et les tortues vertes seraient entre 262 000 et 1 300 000 ; des fourchettes extrêmement larges dues à la difficulté des recensements.

Si compter les individus en mer est illusoire, il est possible en revanche de suivre le nombre de femelles venant pondre, plage par plage, année après année. Près de 2 000 caouannes viendraient ainsi pondre à terre, principalement dans le bassin levantin (Grèce, Turquie, Chypre et Libye).

Bonne nouvelle, les pontes sont de plus en plus nombreuses ! Sur une vingtaine de sites de références, la moyenne annuelle est passée de 3 693 nids par an avant 1999 à 4 667 après les années 2000, soit une augmentation de plus de 26 % ! Idem pour les tortues vertes. Sur 7 sites références à Chypre et en Turquie, la moyenne annuelle de nids est passée de 683 à 1 005 entre avant 1999 et après 2000, soit + 47 % !

Ces tendances très positives démontrent que les efforts de conservation payent et méritent d’être poursuivis et amplifiés.

Que dit l'UICN sur les tortues de Méditerranée ?

Ce nouveau rapport apporte un éclairage nouveau sur les sites clefs de nidification, d’alimentation et d’hibernation des tortues de Méditerranée.

Il propose aussi aux gestionnaires, aux responsables politiques et au grand public une série de recommandations et d’actions à l’échelle du bassin.

Tortues en Méditerranée

Ce nouveau rapport apporte un éclairage nouveau sur les sites clefs de nidification, d’alimentation et d’hibernation des tortues de Méditerranée.

Il propose aussi aux gestionnaires, aux responsables politiques et au grand public une série de recommandations et d’actions à l’échelle du bassin.

Parmi les priorités :

  • Renforcer le suivi et la protection des zones de nidification
  • Conserver les zones prioritaires d’alimentation et d’hibernation (par exemple au moyen d’Aires marines protégées) et préserver les couloirs migratoires saisonniers
  • Réduire les prises accessoires en adaptant les techniques de pêche et en formant les pêcheurs aux bons gestes pour la remise à l’eau des spécimens capturés
  • Lutter contre toutes les formes de pollutions
  • Renforcer les réseaux de protection en impliquant activement chaque acteur de la société (professionnel de la mer, pêcheur, expert en conservation, chercheur, décideur politique ou simple citoyen)
  • Améliorer le maillage des centres de sauvetage et de secours pour l’instant trop inégalement répartis et quasiment absents de la rive sud et est de la Méditerranée.

Thon rouge de l'Atlantique

Le thon rouge de l’Atlantique (Thunnus thynnus) vit dans l’Océan Atlantique, en Méditerranée et en mer Noire. Il se déplace en bancs et effectue d’importantes migrations pour se nourrir et se reproduire. Evoluant plutôt dans les eaux de surface, il peut plonger profondément, jusqu’à 1000 m de profondeur. Ce prédateur vorace et rapide (il est capable de pointe de vitesse de plus de 100 km par heure) se nourrit de poissons, de calamars et de crustacés pélagiques (vivant en pleine eau). Poisson des records, il peut vivre jusqu’à 40 ans ou plus, atteindre 3 m de longueur et peser 600 kg ! Situé au sommet de la chaîne alimentaire marine, ses prédateurs sont l’orque, le grand requin blanc .. et l’Homme !

 

En savoir plus :

Retrouvez le dossier de presse de l’IFREMER sur le thon rouge

Image thon rouge Stéphane Le Gallais

Répartition géographique du thon rouge

Cette carte montre la distribution spatiale du thon rouge de l’Atlantique : en bleu son aire de répartition, en jaune les zones de ponte connues. Les flèches noires indiquent les principales routes migratoires (Figure adaptée de Fromentin et Powers – 2005) © Ifremer.

Voir le fichier source dans son contexte

Fromentinetal

Le saviez-vous ?

Le thon rouge est l’un des rares poissons capable d’endothermie : il adapte sa température corporelle à son environnement et peut ainsi évoluer dans les eaux froides (où il se nourrit) ou chaudes (où il se reproduit), soit de 3 à 30°C !  

Dans le bassin méditerranéen, le thon rouge de l’Atlantique est exploité depuis le Néolithique comme l’attestent les gravures rupestres des grottes de l’île Levanzo, près de la Sicile (photo ci-dessous, complètement à droite : il s’agit d’un thon et non d’un dauphin !).

Il est également présent sur cette pièce de monnaie gréco-hispano-carthaginoise en bronze (200 à 100 avant J.C.), originaire de Gadès ou Carthago Nova, cité grecque installée en Espagne. Coll. Institut océanographique.

Pièce de monnaie Greco Hispano Carthaginoise en Bronze
Grotte Peinture Rupestres

Une star de la cuisine japonaise

Aujourd’hui, le thon rouge sert à confectionner des sashimis et des sushis destinés à des consommateurs amateurs de cuisine japonaise et soucieux de leur santé. Les autres thonidés (bonite à ventre rayé, germon, albacore) sont davantage utilisés dans les conserves et autres produits préparés et conservés.

Les thons rouges de qualité supérieure atteignent des records en termes de prix. En janvier 2019, à l’occasion des enchères du Nouvel An de Tokyo, un thon rouge du Pacifique (Thunnus orientalis cousin du thon rouge de l’Atlantique Thunnus thynnus) de 278 kg, pêché dans le nord du Japon, a été adjugé pour la somme incroyable de 2,7 millions d’euros!

Le thon de Méditerranée s'exporte...

A l’échelle du bassin méditerranéen, plus de 20 pays exploitent le thon rouge ce qui en fait une ressource marine hautement partagée dont la gestion ne peut être menée que dans un cadre international. Sur les 2 dernières décennies, 60% des captures ont été réalisés par la France, l’Espagne, l’Italie et le Japon, conférant à ces pays une responsabilité particulière.

L’immense majorité des thons rouges pêchés en Méditerranée par la pêche industrielle est destinée à l’aquaculture et à l’activité d’embouche qui sert à alimenter le marché japonais.

On regroupe sous le nom de « thon » 14 espèces appartenant à 4 genres différents (Auxis, Katsuwonus, Euthynnus, Thunnus), répartis sur quasiment toutes les mers du monde. Cette grande famille de poissons occupe une importance économique majeure dans une économie entièrement globalisée.

Des prises mondiales en pleine expansion

En 65 ans, les prises mondiales de thon ont augmenté de 1 000 %, passant de 500 000 à 5 millions de tonnes, et la demande pourrait atteindre près de 8 millions de tonnes en 2025 ! En termes de valeur à l’export des produits de la mer, le thon se situe à la 4e place, derrière les crevettes, le saumon et les poissons à chair blanche.

En bout de chaine, la valeur à la vente est estimée à 33 milliards de dollars (soit 24% de l’industrie mondiale des produits de la mer). La consommation moyenne de thon par habitant en 2007 (au niveau mondial) s’établit à environ 0.45 kg par an. Dans l’Union Européenne, c’était plus de 2 kg de thon en boîte par habitant qui était consommé en 2012 !

Graphique évolution des captures de thons

Le coin des experts

Sur les 14 espèces de thon, 7 ont une importance commerciale majeure.

3 espèces* (Thon rouge de l’Atlantique, Thon bleu du Pacifique, Thon rouge du sud) représentent seulement 1 % du volume des captures.

 

En savoir plus : 

Importance Commerciale Thon Rouge

Des techniques de capture d'une efficacité redoutable

Les thons rouges sont pris au chalut, à l’hameçon (ligne à main, traine, palangre) ou dans des « madragues » (pièges fixes près de la côte) mais ils sont majoritairement pêchés par les thoniers-senneurs. En Méditerranée, plus de 90 % des captures du thon rouge sont réalisés avec cette méthode. Ces navires de pêche industrielle hypersophistiqués, puissants et rapides (filant à 16 nœuds soit 50 km/h) sont capables de détecter les bancs grâce à une électronique de pointe (radar, sonar). Ils déploient la « senne », un filet gigantesque largué en arc de cercle qui peut recouvrir jusqu’à 20 hectares en mer, et capturent le quota qui leur est alloué en quelques jours seulement.
Pêche aux thons 2 © D.Theron
Cette méthode pose question car elle cible les gros individus venus se reproduire dans des zones spécifiques (notamment autour des baléares, Sicile et de Malte) sur des périodes courtes (mi-mai à mi-juillet). Non seulement, elle « vide » littéralement le milieu marin mais elle porte atteinte à des espèces non ciblées et très menacées (raies Manta, tortues, requins, cétacés) d’autant que beaucoup de thoniers utilisent des Dispositifs concentrateurs de poissons  (DCP), des systèmes flottants intelligents qui attirent les poissons et renseignent à distance les navires sur la quantité de poissons présente. Dans ce cas, les prises accessoires peuvent représenter 5% de la pêche.

Une pêche considérée comme peu équitable

En Méditerranée, beaucoup estiment la pêche à la senne industrielle comme peu équitable, quelques grands bateaux se répartissant la quasi-totalité du quota au détriment des petites unités qui revendiquent aujourd’hui un accès plus important à la ressource.

Le thon rouge fait aussi l’objet d’une pêche récréative ou sportive (quand on est affilié à une fédération), extrêmement encadrée avec interdiction de vente des produits de la pêche. Sur l’année 2020, le quota attribué à la pêche de loisir en France est de 60 tonnes. A Monaco, les conditions de capture du thon rouge sont fixées par ordonnance souveraine.

Découpage Thon Rouge

Une scène de pêche traditionnelle immortalisée par Rossellini

Le thon rouge est l’une des espèces de poissons les plus prisées commercialement. La gestion des pêcheries de thon rouge a longtemps été le symbole de la difficulté de la communauté internationale à gérer durablement cette ressource rare et fragile. Les professionnels de la filière et les associations de protection tentent de s’organiser pour préserver les stocks.

Refuser une disparition programmée

La Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique (CICTA ou ICCAT en anglais), créée dès 1969, parvient à instaurer les premiers quotas de pêche en 1998. Malgré cela, dans les années 2000, l’emballement de la surpêche fait craindre la disparition pure et simple de l’espèce. Une forte mobilisation internationale voit alors le jour, relayée par le Prince Albert II de Monaco et Sa Fondation. En partenariat avec le WWF, la Fondation Prince Albert II est ainsi parmi les premières organisations à porter sur le devant de la scène internationale l’état alarmant des stocks de thon rouge de Méditerranée.
Thon pêche
Avec l’association MC2D, elle convainc les restaurateurs et commerçants de la Principauté de ne plus vendre ce poisson au bord de l’extinction. Elle contribue, avec l’Institut océanographique, à informer et mobiliser le grand public.

Un puissant lobbying

En 2010, à la Conférence de Doha, le Gouvernement monégasque demande officiellement d’inscrire le thon rouge à l’annexe I de la CITES. Cette proposition vise à interdire le commerce international de l’espèce et à consolider les pêcheries traditionnelles durables existantes. Or la CITES vote finalement contre cette proposition, sous la pression du Japon.
Représentant 80% de la consommation mondiale de thon rouge, le Japon exerce en effet un puissant lobbying. Les débats et la couverture médiatique internationale à propos de ce vote ont néanmoins renforcé la prise de conscience de tous les acteurs de la filière.
Ils ont favorisé la mise en place d’une véritable gestion des pêcheries de thons rouges. La CICTA abaisse les quotas de pêche de 28 500 à 12 900 tonnes par an, s’alignant ainsi sur les recommandations des scientifiques et des acteurs de la conservation. Les quotas sont aussi plus suivis par les pays concernés.

Le retour de l'espoir pour les stocks de thon rouge ?

Grâce à ce sursaut et à plusieurs années favorables, les premiers espoirs de stabilisation et de redressement de la population méditerranéenne de thon rouge apparaissent à partir de 2012. Lors de sa réunion de novembre 2012, la CICTA décide de suivre les recommandations scientifiques et de maintenir les quotas à leur niveau, afin de confirmer et consolider ces premiers signes encourageants.
Il convient en effet de rester prudent sur ces indices de redressement car, comme le souligne le rapport 2012 de la CICTA, « même si la situation s’est améliorée […], il existe encore des incertitudes entourant l’ampleur et la vitesse de l’augmentation de la biomasse du stock reproducteur ».

La prudence est de mise

Ces incertitudes sont liées d’une part à la sous-estimation de la pêche illégale puisque la CICTA reconnaît que les prises de thon rouge ont été « gravement sous-déclarées » pendant au moins les 15 dernières années ; d’autre part, la méconnaissance des schémas migratoires des thons rouges ne permet pas une bonne évaluation des stocks.

L’amélioration de la traçabilité des prises de thon rouge dans les années à venir reste donc un défi majeur. Depuis 2008, le WWF, soutenu par la Fondation Prince Albert II de Monaco, a travaillé pour faire avancer la connaissance sur la pêche illégale et l’évaluation des stocks.
Le WWF a ainsi incité la CICTA à mettre en place en 2013 un document de capture électronique des thons rouges pour faciliter la traçabilité des captures.

Thon peché

Comment protéger les requins, traités comme prises accessoires ?

Le champ d’action de la CICTA reste toutefois limité. Certaines mesures de protection couvrent aussi les espadons, mais les requins restent exclusivement traités en tant que prises accessoires des pêcheries de thonidés. Différentes espèces de requins sont pourtant mises en danger par la pêche, en Méditerranée notamment. Cette situation a d’ailleurs été reconnue au printemps 2013 par la CITES. Inscrivant cinq nouvelles espèces de requins à son annexe II, la CITES subordonne ainsi le commerce international de ces espèces à des garanties de soutenabilité des stocks pêchés. Les requins commencent toutefois à être pris en compte. Quelques mesures de gestion sont appliquées dans les eaux de l’Atlantique, notamment pour les requins taupe et certaines espèces particulièrement vulnérables. La Norvège a ainsi proposé d’examiner l’ajout des requins à la liste des espèces gérées par la CICTA. Pour cela, il faudra néanmoins une volonté commune de tous les pays membres, qui reste peu probable.
Requins Marteaux

Le thon rouge, futur symbole de bonne gestion collective ?

Espèce fragile, le thon rouge pourrait passer de symbole du pillage des ressources à celui d’une bonne gestion collective et partagée s’appuyant sur des données scientifiques sérieuses.

Une bonne dynamique a été engagée ces dernières années alors que la situation était critique. Elle devra toutefois être confirmée tant par l’évolution des quotas pour favoriser la reconstitution des stocks, que par la capacité de la CICTA à élargir son action à d’autres espèces menacées.

Ce modèle de gestion assez coûteux a pour défi de se consolider et de s’appliquer à d’autres espèces de moindre valeur commerciale. En effet, les stocks d’autres grands prédateurs sont également en déclin.

Comment répondre à la
demande ?

Au-delà de la gestion des stocks et de la traçabilité des captures, enjeux majeurs de la CICTA, d’autres initiatives pour l’avenir du thon rouge méritent d’êtres soulignées.

La campagne de communication « le thon rouge, une histoire d’avenir » et le label « thon rouge de ligne, pêche artisanale » ont été lancés en 2012 et soutenus par le ministère de l’Environnement français.
Ils mettent en avant le retour du thon rouge sur les étals comme poisson à nouveau « durable » lorsqu’il fait l’objet d’une pêche raisonnée. Par ailleurs, quelques projets scientifiques européens et japonais, pour une « aquaculture durable », visent la « domestication » du thon rouge : .

La reproduction et la croissance complète de cette espèce faite en captivité aurait l’avantage d’éviter le prélèvement de jeunes thons rouges sauvages comme cela se pratique de longue date pour l’engraissement.

Thon

Les limites de l'aquaculture

Toutefois l’aquaculture du thon rouge pratiquée depuis plus de 30 ans au Japon (Université de Kinki) ne s’avère pas rentable. Peu appréciés des consommateurs japonais, ses produits sont souvent destinés à être exportés à Taïwan ou aux États-Unis.

Dans tous les cas se pose aussi la question d’élever de grands prédateurs qui ont eux-mêmes besoin d’énormément de poissons pour se développer. Les saumons d’élevage ont déjà besoin de 4 kg de « poissons-fourrage » pour croître eux-mêmes d’1 kg. Le thon rouge lui consomme 11 kg de poisson pour gagner 1 kg ! Un modèle peu soutenable, dont nous pouvons mesurer les limites en faisant le parallèle avec le fait d’élever des tigres ou des loups pour notre consommation : cela résume bien la façon dont le goût de l’homme pour les animaux marins s’est développé alors qu’il pensait les ressources marines infinies.

Aujourd’hui, il serait plus intéressant économiquement et écologiquement de laisser le stock sauvage se reconstituer et de développer une pêcherie durable rigoureuse.

Thon Filet de pêche

Des raisons d'espérer

En conclusion, les dernières observations sur l’évolution de la population du thon rouge semblent encourageantes. Il faudra cependant patienter encore pour confirmer la reconstitution effective des stocks, espérée autour de 2022. Un nouvel état des lieux des populations de thon rouge de Méditerranée sera réalisé en 2014. Il permettra de suivre les progrès effectifs et éclairer les décisions relatives aux quotas des prochaines années.

En attendant, la prudence reste de mise et de nombreux efforts doivent se poursuivre sur la qualité et la fiabilité des données, la lutte contre la pêche illégale, la prise en compte des pêches accessoires et la traçabilité et surtout, pour soutenir le développement d’une pêche artisanale durable.

Dans la Liste rouge européenne des poissons marins établie en 2015 par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le thon rouge de l’Atlantique figure dans la catégorie « quasi menacée ».

La surpêche et la surcapacité des flottilles de pêche sont la principale cause de raréfaction du thon rouge.

Le saviez-vous ?

Le fléau du plastique en mer menace aussi le thon rouge. Selon une étude menée en 2015 sur les grands prédateurs en Méditerranée (thons et espadons), 32.4 % des spécimens de thons rouges étudiés contenaient du plastique dans leur estomac, une vraie inquiétude pour l’UICN et un signal d’alarme sur les effets potentiels de ces débris sur la santé humaine.

Thon Mer
En 2006, afin d’éviter l’effondrement total des populations, un plan de reconstitution du stock de l’Atlantique Est et de la Méditerranée est adopté, comprenant des mesures de suivi et de contrôle des activités de pêche (période de fermeture de pêche, obligation d’une « taille minimale de conservation »  de 115 cm ou 30 kg – certains types de pêche disposant de dérogations à 8 kg ou 75 cm), interdiction des avions de reconnaissance, présence d’observateurs à bord des bateaux, traçabilité des captures etc), mais les quotas de pêche restent encore trop élevés.

Une petite victoire à la CITES

Sous la pression des ONG et de certains états (dont la Principauté de Monaco et la France) qui prônent l’inscription de l’espèce en annexe 1 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) – ce qui aurait pour effet d’interdire le commerce international – le quota est revu à la baisse (13 500 tonnes) pour l’année 2010, suivant pour la première fois l’avis scientifique ; une victoire importante pour les organisations oeuvrant pour une pêche durable du thon rouge !

thons-congeles

Une situation qui s'améliore depuis 2019

Grâce au renforcement du plan de reconstitution et à un contrôle plus efficace, la situation du thon rouge s’améliore à partir de 2009. Les captures déclarées diminuent, les suivis aériens montrent que les jeunes thons rouges sont plus abondants, la biomasse des reproducteurs augmente, les pêcheurs en observent plus régulièrement. Aujourd’hui, l’espèce ne serait plus « surexploitée » mais le stock actuel, bien qu’en meilleur état, est loin d’avoir retrouvé son niveau d’avant la pêche industrielle, et des mauvaises pratiques comme la pêche illégale perdurent

Avec des quotas de pêche fixés à la hausse (32 240 tonnes pour 2019, 36 000 tonnes pour 2020 – dont 19 460 tonnes pour l’Union Européenne et 6 026 tonnes pour la France) – soit les niveaux les plus élevés depuis la mise en place du plan de reconstitution – il reviendra à la communauté internationale, aux scientifiques et aux consommateurs de suivre attentivement l’évolution de la situation du thon rouge de l’Atlantique pendant les prochaines années. Affaire à suivre, donc !

Le coin des experts

Prudence et discernement

Il y a quelques années, avec des stocks en voie d’effondrement, la consommation de thon rouge était largement déconseillée, conduisant la Principauté de Monaco à adopter un moratoire par consensus sur sa consommation. Avec des stocks aujourd’hui en meilleur état, il est possible de consommer du thon rouge, mais avec beaucoup de discernement. Ethic Ocean suggère de limiter la quantité consommée, privilégier l’origine «Atlantique est et Méditerranée » et choisir les spécimens pêchés à la canne, de plus de 30 kg (donc à maturité sexuelle). Il faut éviter en revanche la consommation de thon rouge du stock d’origine « Atlantique ouest » et des autres espèces de thons surexploitées, Thon bleu du Pacifique (Thunnus orientalis) et Thon rouge du sud (Thunnus maccoyii) lorsqu’ils proviennent du sud des 3 océans.

Thon rouge pris au large de Monaco

Quels critères appliquer ?

Pour Mr.Goodfish, le programme de consommation durable soutenu par la Fondation Prince Albert II, on peut manger du thon rouge mais uniquement s’il est sauvage, provient de certaines zones de pêche (essentiellement de l’Atlantique) et s’il est pris en dehors de sa période de reproduction, à une taille minimale recommandée de 120 cm.

Les labels

Certains labels proposent du thon rouge pêché de manière responsable respectant la réglementation en vigueur et des cahiers des charges spécifiques à la méthode de pêche (palangre, canne, ligne). Celui-ci concerne le thon rouge pêché à la ligne et inclut les bons gestes en cas de capture d’espèces « accessoires » (requins, raies pélagiques, tortues marines, oiseaux).

Notre meilleur conseil : quand vous achetez du thon ou d’autres produits de la mer, soyez curieux et exigeant ! N’hésitez pas à poser des questions au vendeur ou au restaurateur, ils sont là pour ça ! Essayez d’identifier l’espèce que vous consommez, la zone de pêche ou de production, la méthode utilisée et en quoi elle est issue de pêche ou d’aquaculture durables. N’achetez jamais de thon rouge venant de la pêche récréative ou sportive, c’est interdit!

12 AOÛT 2020 : Du nouveau sur la certification du thon rouge de l’Atlantique…

L’organisme de labellisation Marine Stewardship Council vient d’attribuer le « label pêche durable » à une pêcherie utilisant la palangre (grandes lignes avec hameçons) dans l’océan Atlantique est (55 tonnes capturées en 2018). Cette décision intervient après qu’un expert juridique indépendant a estimé que les mesures prises par l’entreprise remplissaient totalement les critères de pêche durable. D’autres pêcheries seraient en passe de demander une certification. 

Par principe de précaution, au vu des incertitudes scientifiques sur l’état du stock, certaines ONG s’opposent actuellement à toute certification du thon rouge de l’Altlantique. Pour le WWF, « la certification MSC du thon rouge est un signal alarmant qui montre que le résultat est dicté par la demande de l’industrie plutôt que par des preuves scientifiques de durabilité… Cela peut être une tendance dangereuse qui peut menacer le rétablissement complet du thon rouge et notre possibilité de restaurer la santé des océans au niveau mondial d’ici 2030. » 

Thon restaurant