1951, Arctique. Sous un beau ciel bleu, l’ethnologue et géographe Jean Malaurie regarde un nouveau-né dormir paisiblement contre le dos de sa mère.
Nu sous le grand capuchon de l’amauti, le manteau traditionnel des femmes inuites, le petit semble bien au chaud. Et cela vaut mieux, la température ambiante avoisinant les… -30 °C !
Illustration Sciencetips |
Chaussons et moufles inuits en peau de phoque, à voir dans l’exposition « Mission Polaire » au Musée océanographique de Monaco. Objets issus de la Collection Jean Malaurie / Institut océanographique. |
Mais comment ce peuple parvient-il à vivre dans cette nature implacable ? Plus que cela même : à aimer ce désert aux températures polaires ?
Eh bien, ils ont avant tout un mode de vie adapté. Ils consomment une nourriture très riche en graisse (poissons, phoques, baleines…) et s’habillent de façon à résister au froid : des vêtements de peau des pieds à la tête (moufles, gants et amples pantalons), de la fourrure autour de la capuche pour protéger le visage, ou encore l’ingénieux amauti permettant aux femmes de porter et d’allaiter leurs enfants en conservant les mains libres.
Mais ce n’est pas tout. Les Inuits ont ça dans leurs gènes, littéralement ! Ils auraient en effet hérité de gènes des Dénisoviens, une espèce ayant vécu entre un million et 40 000 années avant notre ère, principalement en Asie, en Chine et en Sibérie.
Calotte glacière du Groenland, image satellite, 2005, photo : NASA |
Femmes et enfant inuits, elles portent un amauti, 1999, photo : Ansgar Walk |
Ces Homo denisovensisse se seraient accouplés avec des Homo sapiens, laissant leurs empreintes génétiques dans le génome des Inuits modernes. Plus spécifiquement, deux gènes situés sur le chromosome 1 : TBX15 et WARS2. Mais à quoi servent-ils ?
TBX15 joue, entre autres, un rôle dans la quantité de graisse brune présente chez un individu. Ce tissu adipeux brun (particulièrement présent chez les nouveau-nés) brûle les lipides pour produire de la chaleur (au lieu de les stocker, comme la graisse blanche).
Cette chaleur est ensuite dissipée dans tout le corps, ce qui permet de maintenir une température corporelle à 37 °C.
Illustration Sciencetips |
Perte de glace de la calotte glacière du Groenland de 2003 à 2020, illustration Sciencetips d’après les images satellites de la NASA |
Bref, ces graisses brunes agissent comme une sorte de radiateur interne. Un atout, bien pratique, que Jean Malaurie aurait sûrement aimé avoir durant ses nombreuses explorations arctiques !