LES REQUINS
menaçants ou menacés ?
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Requins : du mythe à la réalité
L’évocation de l’animal fait encore peur et reste très impopulaire. On qualifie souvent de « requin » une personne impitoyable en affaires ! Pourtant, au-delà de l’image mythique du requin, la réalité est bien différente.
Dépasser ses préjugés sur les requins !
En 2013, le programme « Requins, au-delà du malentendu » de l’Institut océanographique visait à changer le regard sur les requins. Des conférences à la Maison de l’Océan, à Paris, ont permis au public d’échanger avec les plus grands spécialistes et les amoureux des requins venus témoigner de leur expérience exceptionnelle au plus près de ces grands prédateurs.
Le livre « Requins, au-delà du malentendu » fait le point sur ces super prédateurs à la terrible réputation.
Requins, fascinants seigneurs des mers
Un aileron fend subitement la surface avant de plonger à l’approche d’un baigneur… Voilà une vision qui suffit à vider en quelques secondes la plage la plus bondée. Une représentation gravée dans notre imaginaire, qui cristallise toutes nos peurs.
Toujours à l’affût d’une proie à son goût, qui aura bien peu de chances d’échapper à sa vigilance, à le distancer ou à résister à son impressionnante mâchoire, les requins ont la réputation d’être les plus féroces des animaux marins, et les « meilleurs ennemis »de l’homme.
L’image du super-prédateur nous hante depuis des siècles. Le cinéma comme les médias sont là pour terroriser jusqu’aux plus marins d’entre nous. La réalité n’est pas aussi caricaturale. Ces poissons, bien moins dangereux qu’on ne le croit, n’en sont pas moins fascinants.
Le requin, un super prédateur
Pour détecter les proies, le requin est pourvu d’une quantité d’organes et de capteurs sensoriels qui lui permette de s’orienter et de se déplacer, ce qui en fait un prédateur efficace.
Ce n’est donc pas un sens en particulier qui donne au requin l’avantage mais plutôt la complémentarité et la synergie entre tous ceux-ci. Selon les conditions du milieu, ils se révéleront utiles à différents moments.
L’odorat est efficace sur quelques dizaines de kilomètres, pour détecter les proies à distance ; la vision permet de préparer l’attaque sur quelques dizaines de mètres, et la détection des champs électriques d’explorer les alentours dans un rayon de deux mètres.
Les super pouvoirs des requins
Les requins ont-ils des oreilles ?
Les requins ont-ils une bonne vue ?
Les requins ne possèdent pas d’oreilles à proprement parler, mais des pores placés sur le dessus de la tête.
En l’absence de tympan, c’est le corps entier qui joue le rôle de récepteur des vibrations sonores qui sont ensuite transmises à l’oreille interne.
Celle-ci, particulièrement performante, gouverne non seulement l’audition mais aussi l’équilibre et l’orientation.
Les squales sont sensibles aux basses, voire très basses fréquences, qui se propagent le mieux en milieu aqueux.
Souvent gênée par la turbidité de l’eau, la vue est peut-être le sens le moins sollicité chez les requins dans la recherche et la détection des proies.
En général ce sont surtout les contrastes qu’ils distinguent particulièrement par une vision crépusculaire.
La lueur que l’on peut observer dans le regard du grand blanc à la nuit tombante ou dans une semi-obscurité, est due à la présence d’une sorte de réflecteur, le tapetum lucidum (locution latine signifiant « tapis luisant ») qui améliore la vision sous faible luminosité.
L'odorat, un sens très performant
Les ampoules de Lorenzini
Les requins sentent « en stéréo » et détectent l’endroit d’où provient l’odeur, et remontent jusqu’à sa source sur une dizaine de kilomètres. Ils sont sensibles à des dilutions, pour le sang, de l’ordre d’un centilitre (la valeur d’un dé à coudre) dilué dans 100 000 litres d’eau.
Ce sont de minuscules pores éparpillés autour des yeux et de la bouche, qui détectent les faibles courants électriques produits par les êtres vivants (même ceux qui sont enfouis dans le sable), ainsi que les variations de température et de salinité de l’eau.
La sensation de toucher chez les requins
Le système latéral, un capteur spécifique
Le toucher très développé s’apparente à une sorte de « goût cutané » rendu possible par la présence sur tout le corps de cryptes sensorielles Ces récepteurs, distribués sur l’ensemble du corps, permettent au requin d’apprécier son environnement dans lequel il évolue.
Ainsi, un simple contact suffit à indiquer au requin si la proie qu’il envisage lui convient. C’est pourquoi il se contente parfois de bousculer sans mordre.
La force de l’animal et la rugosité de la peau rendent toutefois ce contact dangereux.
Mais il possède également un « vrai » goût, via les bourgeons gustatifs, appelés aussi « organes en tonnelet », qui tapissent sa cavité buccale
Les requins ne perçoivent pas leurs proies uniquement par l’odorat.
Comme les autres poissons, ils possèdent le long d’une ligne qui va de la tête à la queue, des milliers de pores qui sont des capteurs de pression et de vibrations mécaniques.
La présence de ces organes explique pourquoi les squales réagissent de façon aussi immédiate aux sons produits dans l’eau par des coups ou des objets qui s’entrechoquent.
Les attaques de requins sont-elles toutes mortelles ?
On ne sait pas pourquoi les requins attaquent parfois des humains. On invoque souvent une méprise ou une réaction de défense. On peut aussi penser que, pour le requin, l’homme pourrait être perçu comme une proie potentielle, même s’il ne fait pas partie de son régime alimentaire habituel.
Compte tenu des rapports de taille et de force entre un homme et un requin, une morsure, même si elle est le fait d’une méprise, peut être grave et même fatale pour la victime.
Les quelques dizaines d’attaques répertoriées annuellement dans le monde entier ne sont pas toujours synonyme de morts. En termes d’animaux dangereux, ce sont les moustiques qui tiennent le haut du pavé en tant que serial killers. Même les chiens, animaux domestiques très proches de l’Homme, tuent davantage que les requins.
Attaques sous haute surveillance
Le premier fichier mondial des attaques de requins, l’International Shark Attack File (ISAF), a vu le jour aux États-Unis à partir de 1958.
Élaboré par un groupe de scientifiques à la demande de la Marine américaine, son objectif était de rechercher le rôle respectif des facteurs environnementaux et des caractéristiques des victimes dans le déclenchement des attaques.
L’impact des accidents de requins sur l’industrie touristique, a amené la création de nouvelles structures de recherches et banques de données : l’Australian Shark Attack File en Australie et le Natal Sharks Board en Afrique du Sud, permettant désormais de comparer plus aisément les chiffres d’attaques de requins.
En 2013 et en 2014, sous l’impulsion et la présidence de S.A.S. le Prince Albert II de Monaco, l’Institut océanographique a organisé deux ateliers d’experts internationaux sur les requins pour créer une « Boîte à outils face au risque requin ». Son objectif : regrouper les solutions existantes dans le monde pour se prémunir des attaques de requins, tout en mettant en perspective la réalité des risques encourus par l’homme.
Menaçants mais aussi menacés !
Les requins sont victimes de la pêche et des mauvaises pratiques. L’industrialisation de la pêche, la voracité de l’homme pour des produits issus du requin font que 50 à 150 millions de ces animaux sont tués chaque année par l’homme.
La maturité sexuelle très tardive des requins et une progéniture peu nombreuse sont des facteurs limitants du renouvellement de leurs populations, et aujourd’hui les populations de requins sont clairement menacées.
La soupe de l'horreur
Plus des deux tiers des requins sont pêchés uniquement pour leurs ailerons. Pour satisfaire une demande croissante, certains pêcheurs ont trouvé une solution extrêmement rentable qui consiste à couper les ailerons sur le lieu de pêche et à rejeter à la mer un animal de toute façon condamné à mort. C’est ce qu’on appelle le « finning ».
Sur 100 millions de requins tués chaque année, 73 millions le sont pour la soupe. Certains pays interdisent cette pratique en mer et obligent les pêcheurs à ramener les requins entiers au port, pour tenter de limiter le massacre et ne pas gaspiller cette ressource.
La soupe aux ailerons de requins est un mets traditionnel chinois très prisé, aux vertus soi-disant aphrodisiaques. Longtemps réservée aux repas de fêtes à Hong Kong, où 89 % de la population en sert aux repas de mariage, elle est devenue accessible à des millions de personnes dans les années 1990, à la suite du boom économique asiatique.
Les requins, essentiels à l’équilibre des océans
Clés de voûte des écosystèmes marins, les requins en assurent l’équilibre et la résilience.
Si les requins venaient à disparaître ou à se raréfier, les écosystèmes s’en trouveraient perturbés, jusqu’à menacer par « effet cascade » de nombreuses autres espèces.
Quand un prédateur disparaît, ses proies habituelles se développent rapidement et accroissent à leur tour la pression sur leurs proies.
C’est tout l’écosystème qui se retrouve perturbé par la disparition ou la raréfaction des prédateurs supérieurs, y compris les différentes espèces qui présentent un intérêt commercial.
L’industrie de la pêche peut donc pâtir d’une l’élimination qu’elle a pourtant provoquée.
Requin et stockage du carbone
On le sait depuis peu, par la biomasse qu’ils représentent, les cétacés et les grands poissons pélagiques comme les requins et les thons jouent un rôle important dans la problématique du changement climatique.
Contenant 10 à 15 % de carbone dans leur chair, ils séquestrent énormément de carbone dans l’Océan. Quand ils meurent par mortalité naturelle, de vieillesse ou mangés par des prédateurs, le carbone qu’ils contiennent est recyclé en matière vivante ou enfoui au fonds de l’Océan, séquestré pendant des milliers, voire des millions d’années.
En revanche, quand ils sont pêchés et extraits de l’Océan, le carbone est alors mis en circulation à la surface de la Planète et finissent en CO2, contribuant à l’effet de serre. A cela, il faut ajouter les importantes quantités de CO2 dégagées par les activités de pêche elles-mêmes, menées dans des endroits toujours plus éloignés.
Pour lutter contre le changement climatique, certains experts préconisent de restaurer les pêcheries et les prédateurs apex, donc d’arrêter de les pêcher et de les laisser tout simplement dans l’eau.
La protection et la conservation des requins : une urgence mondiale
Jadis on considérait qu’un bon requin était un requin mort !
Des recherches récentes ont mis en évidence le rôle écologique des requins dans les écosystèmes marins.
Prédateurs placés au sommet des chaînes alimentaires, les requins régulent les populations de proies sur lesquelles ils se nourrissent.
La surexploitation de ces prédateurs supérieurs entraîne des effets en cascade dans les chaînes alimentaires ; effets qui sont néfastes à l’écosystème et à la pêche, car cela peut engendrer la pullulation d’espèces indésirables pour l’homme.
Du fait de leur rôle régulateur, les requins sont de plus en plus intégrés dans les plans de gestion des pêches.