6 tortues marines sont présentes en Méditerranée
La Méditerranée totalise 46 000 km de côtes et couvre 2,5 millions de km2 soit moins d’1 % de la surface totale des océans. Bien connue comme hotspot de la biodiversité mondiale, elle accueille six des sept espèces de tortues marines.
La tortue caouanne Caretta caretta est la plus commune, suivie par la tortue verte Chelonia mydas puis la tortue luth Dermochelys coriacea, connue pour être la plus grande tortue du monde.
Plus rares, la tortue de Kemp Lepidochelys kempii et la tortue imbriquée Eretmochelys imbricata n’ont été observées que quelques fois en Méditerranée à ce jour.
En 2014, une tortue échouée a été formellement identifiée en Espagne. Il s’agit de la tortue olivâtre Lepidochelys olivacea.
Une répartition géographique inégale
On trouve les tortues caouannes, vertes et luth dans l’ensemble de la Méditerranée, mais leur répartition est inégale selon l’espèce et la période de l’année.
La caouanne occupe tout le bassin mais semble plus abondante en partie ouest, de la mer d’Alboran aux îles Baléares. On la retrouve également au large de la Libye, de l’Égypte et de la Turquie.
La tortue verte se concentre plus à l’est, dans le bassin levantin. Elle apparaît aussi en mer Adriatique et plus rarement dans la partie occidentale de la Méditerranée.
La tortue luth est observée en haute mer dans tout le bassin, avec une présence plus marquée en mer Tyrrhénienne, en mer Égée et autour du détroit de Sicile.
Seulement deux espèces se reproduisent en Méditerranée !
La tortue caouanne et la tortue verte sont les seules à se reproduire en Méditerranée, essentiellement dans la partie orientale. Pour la caouanne, les sites sont localisés en Grèce, Turquie, Libye, Tunisie, Chypre et dans le sud de l’Italie.
Ces dernières années, des pontes sont observées à l’ouest du bassin, le long des côtes espagnoles, en Catalogne, mais aussi en France, en Corse ou dans le Var !
En 2006, à Saint-Tropez, le nid d’une caouanne avait malheureusement été détruit par de fortes pluies. A Fréjus en 2016, quelques nouveaux nés avaient pu rejoindre la mer grâce à une surveillance étroite par les équipes du Réseau tortues marines de Méditerranée française (RTMMF).
A l’été 2020, ce sont deux nouveaux nids à Fréjus et à Saint-Aygulf, qui font la une de l’actualité, d’autant que plusieurs dizaines de bébés tortues sont nés !
Qu'en disent les scientifiques ?
Du point de vue scientifique, il est trop tôt pour tirer des conclusions sur le « pourquoi » de ces pontes.
Les femelles sont-elles plus nombreuses à faire des nids dans cette zone, la plus au nord pour la ponte des caouannes ? La pression d’observation de la part des usagers de la mer est-elle plus grande ? Est-ce une conjonction de plusieurs phénomènes ?
Difficile à dire… Il semble assez clair cependant que la société civile est de plus en plus au fait de la présence des tortues et – espérons-le – plus concernée par le devenir de ces animaux patrimoniaux et fragiles.
Si les tortues viennent pondre sur nos plages, il nous revient de leur laisser un peu espace, de créer moins de dérangement la nuit et d’adapter les éclairages de plage qui peuvent dissuader les femelles et désorienter les juvéniles.
Les caouannes naissent parfois loin de nos côtes
Les analyses génétiques le prouvent : les caouannes observées en Méditerranée ne naissent pas toutes en Méditerranée !
A peu près la moitié d’entre elles verraient le jour dans l’océan Atlantique sur les côtes de Floride, Géorgie, Virginie ou au Cabo Verde. Elles naissent sur ces plages éloignées, puis pénètrent en Méditerranée via le détroit de Gibraltar pour se nourrir et, une fois adultes, retournent sur la plage de leur naissance en Atlantique pour y pondre à leur tour.
La situation des tortues vertes est différente. Toutes celles qui vivent en Méditerranée y sont nées. Leur population est donc génétiquement isolée, sans aucune connexion avec les autres populations de tortues vertes présentes ailleurs dans le monde.
Une présence récente en Méditerranée
Jusqu’à la fin de la dernière grande glaciation, il y a 12000 ans, les conditions climatiques trop froides régnant en Méditerranée ne permettaient pas aux tortues caouannes de s’installer ou de se nourrir, et encore moins de se reproduire.
L’incubation des œufs n’est possible que si une température de 25°C est maintenue durant un minimum de 60 jours. Ce n’est que lorsque les températures se stabilisèrent à des niveaux proches de la climatologie actuelle que les tortues caouannes de l’Atlantique, qui s’étaient maintenues dans des zones plus chaudes durant la glaciation, purent coloniser la Méditerranée.
Leur présence en Méditerranée est donc – relativement – récente.
Combien de tortues en Méditerranée ?
Difficile de répondre à cette question ! Il n’existe aucun moyen technologique permettant de comptabiliser en instantané toutes les tortues marines présentes sur un espace maritime aussi grand, d’autant que ces grands migrateurs évoluent sans cesse d’une zone à l’autre.
Connaître l’abondance des tortues est un axe prioritaire de la recherche scientifique visant la conservation des tortues marines en Méditerranée. C’est l’une des nombreuses conclusions du récent rapport de l’IUCN qui donne par ailleurs quelques estimations : il y aurait entre 1.2 et 2.4 millions de tortues caouannes en Méditerranée et les tortues vertes seraient entre 262 000 et 1 300 000 ; des fourchettes extrêmement larges dues à la difficulté des recensements.
Si compter les individus en mer est illusoire, il est possible en revanche de suivre le nombre de femelles venant pondre, plage par plage, année après année. Près de 2 000 caouannes viendraient ainsi pondre à terre, principalement dans le bassin levantin (Grèce, Turquie, Chypre et Libye).
Bonne nouvelle, les pontes sont de plus en plus nombreuses ! Sur une vingtaine de sites de références, la moyenne annuelle est passée de 3 693 nids par an avant 1999 à 4 667 après les années 2000, soit une augmentation de plus de 26 % ! Idem pour les tortues vertes. Sur 7 sites références à Chypre et en Turquie, la moyenne annuelle de nids est passée de 683 à 1 005 entre avant 1999 et après 2000, soit + 47 % !
Ces tendances très positives démontrent que les efforts de conservation payent et méritent d’être poursuivis et amplifiés.
Que dit l'UICN sur les tortues de Méditerranée ?
Ce nouveau rapport apporte un éclairage nouveau sur les sites clefs de nidification, d’alimentation et d’hibernation des tortues de Méditerranée.
Il propose aussi aux gestionnaires, aux responsables politiques et au grand public une série de recommandations et d’actions à l’échelle du bassin.
Ce nouveau rapport apporte un éclairage nouveau sur les sites clefs de nidification, d’alimentation et d’hibernation des tortues de Méditerranée.
Il propose aussi aux gestionnaires, aux responsables politiques et au grand public une série de recommandations et d’actions à l’échelle du bassin.
Parmi les priorités :
- Renforcer le suivi et la protection des zones de nidification
- Conserver les zones prioritaires d’alimentation et d’hibernation (par exemple au moyen d’Aires marines protégées) et préserver les couloirs migratoires saisonniers
- Réduire les prises accessoires en adaptant les techniques de pêche et en formant les pêcheurs aux bons gestes pour la remise à l’eau des spécimens capturés
- Lutter contre toutes les formes de pollutions
- Renforcer les réseaux de protection en impliquant activement chaque acteur de la société (professionnel de la mer, pêcheur, expert en conservation, chercheur, décideur politique ou simple citoyen)
- Améliorer le maillage des centres de sauvetage et de secours pour l’instant trop inégalement répartis et quasiment absents de la rive sud et est de la Méditerranée.